L’endométriose touche en France 10% des femmes en âge de procréer, soit 1,5 à 2,5 millions de femmes, maladie fréquente elle est pourtant méconnue du grand public et pas assez mise en avant par les médias, qu’est-ce que c’est ? Quels en sont les symptômes ? Comment vit-on avec de l’endométriose ? Cinq femmes de 16 à 45 ans réparties sur l’hexagone ont accepté de nous parler de leurs quotidiens dans une interview croisée.
Qu’est-ce que l’endométriose ?
« Quand j’explique à quelqu’un ma maladie, je lui dis que c’est une maladie chronique et gynécologique. Qu’une femme perd tous les mois du sang sauf que moi ce sang ne va pas s’évacuer correctement, il va s’accrocher aux ovaires et former un kyste, sur les intestins, la vessie l’utérus, etc. Et qu’en période de menstruation, ce sang accroché un peu partout « s’active » et provoque des douleurs, car il ne part pas. Que la maladie peut disparaître comme elle peut s’intensifier. Qu’il n’y a pas de solution ou de traitement et que c’est un peu la loterie ! »
« L’endométriose est une maladie chronique qui se caractérise par le développement de tissus semblables à la muqueuse utérine (endomètre) en dehors de la cavité utérine qui subira lors des cycles l’influence de l’ensemble des variations hormonales. Ces tissus vont s’implanter puis proliférer sur les organes voisins. »
« L’endométriose est une maladie qui touche les ovaires. Il y a plusieurs stades de la maladie, elle s’étend de plus en plus autour des ovaires au fil des années et peut être un vrai enfer pour les femmes touchées. L’endométriose, c’est des tissus semblables à des dépôts de sang qui se propagent dans l’utérus, les ovaires, mais aussi les organes tels que les intestins, la vessie ou encore le rectum… Et dès lors qu’on a nos règles ça nous déclenche des douleurs indescriptibles, mais on en a aussi en dehors, par exemple lors de la période d’ovulation, si on mange des aliments dits inflammatoires ou bien même lors de périodes de stress ! Tout est facteur pour déclencher une crise. Le plus difficile, c’est la fatigue chronique et la déprime qui s’accompagne. »
« L’endométriose est une maladie qui touche les ovaires. Il y a plusieurs stades de la maladie, elle s’étend de plus en plus autour des ovaires au fil des années et peut être un vrai enfer pour les femmes touchées. »
« L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire chronique qui me pourrit la vie depuis maintenant plus de 6 ans, entre autres. »
Quels sont les symptômes de l’endométriose ?
« Pour ma part, les premiers symptômes ont été les règles longues, abondantes (j’ai déjà eu 40 jours de règles.) Et très douloureuses, avec l’impossibilité de tenir debout, j’ai également des répercussions sur ma vie sexuelle avec des douleurs à chaque rapport peu importe la position ou l’intensité, j’en venais même à appréhender la relation. Les ballonnements sont aussi l’un des symptômes que j’ai surtout en période de crise avec un ventre rempli d’air à croire que je suis enceinte et des douleurs presque aussi insupportables que celle des ovaires/ utérus. J’ai aussi de la diarrhée avec presque l’impossibilité de me retenir, j’ai même déjà eu une période avec la partie gauche de mon corps comme paralysée/endormie. »
« Le principal symptôme c’est la douleur, pour ma part ça a commencé dès mes premières règles que j’ai très mal vécu j’étais pliée en deux avec un flux EXTRÊMEMENT abondant (qui traversait plusieurs serviettes hygiéniques et vêtements) j’avais encore beaucoup de mal à gérer, j’étais très faible et vomissait et on ne m’a pas pris au sérieux, « c’est le début c’est normal d’avoir mal le temps de se régler », les douleurs peuvent être pelvienne (dans le bas du ventre comme pour les crampes de règles) mais elles irradient aussi dans les jambes, paralysent le dos, provoquent des sciatiques, empêchent de dormir des jours, de se déplacer sans douleur et j’en passe … »
« Pour ma part, les symptômes sont les suivants : Douleurs pelviennes, Douleurs lombaires, Règles très douloureuses et très abondantes, très longues (10 jours), Dyspareunie (Douleurs pendant les rapports sexuels), Fatigue chronique, Kystes ovariens à répétitions, Douleurs 20 jours par mois (règles, ovulation, SPM) »
« Personnellement moi, c’est tout le temps, mais beaucoup plus accentué pendant les règles, c’est des maux de ventre énorme au point de faire des minis malaises, de plus pouvoir marcher, de passer des heures recroqueviller sans pouvoir me lever… Je rate des jours voire des semaines de cours, car mes règles durent entre 7 et 21 jours. »
« Moi j’ai su que j’avais un problème car j’avais TOUT le temps une douleur un peu gênante au bas-ventre, mais également des douleurs à tomber dans les pommes pendant les règles, des hémorragies, des douleurs dans les jambes, des fausses diarrhées etc. … Beaucoup de troubles intestinaux en somme. »
Quel est le quotidien des personnes qui souffrent d’endométriose ?
« Parlons de mon quotidien, au collège ça n’avait pas beaucoup d’incidence sur ma scolarité ni sur mes résultats, enfin tout est relatif, plusieurs jours par mois mon père venait me chercher à l’infirmerie, j’étais une habituée. Avec les années, les douleurs ont augmenté crescendo cycle après cycle, j’atteignais un nouveau stade de douleur, mais j’apprenais à gérer ça étant donné que les médecins que je voyais s’estimant « trop jeune pour avoir de l’endométriose » jusqu’à la terminale où les douleurs me paralysent littéralement jusqu’à me retrouver à ne plus pouvoir marcher pour rentrer. »
« Je rate des jours voire des semaines de cours, car mes règles durent entre 7 et 21 jours, et quand la « crise » arrive dans la rue ou en cours, c’est très difficilement contrôlable, tout cela a seulement 14 ans. »
« Les premières années, ce qui est difficile à gérer dans le quotidien c’est le côté physique parce que l’on a aucun contrôle sur les crises et leurs intensités donc il faut s’organiser pour tout, être sûr que l’endroit où on va à des toilettes à proximité, ne pas partir en vacances à tel moment etc. … Mais aujourd’hui, c’est le mental qui est le plus compliqué parce que l’on sait qu’il n’y a pas de solution, que chaque mois de chaque année pour le restant de ta vie de femme, tu vas souffrir et tu vas t’empêcher de faire des choses et ça aura forcément une répercussion sur tes proches. J’ai eu une période dépressive qui a eu des répercussions sur mon couple et c’est très compliqué à gérer. »
« La douleur est handicapante dans la vie de tous les jours, qui plus est pour moi qui est coach sportive, difficultés à se déplacer correctement, trouble de l’attention, perte d’appétit, ou au contraire, grosses fringales, ce n’est jamais évident à gérer. Sans parler de la fatigue chronique qui est très invalidante et est plus difficile à comprendre pour les autres, qui la prennent parfois même pour de la paresse. »
« Au niveau des études, c’est très compliqué, car les professeurs sont peu conciliants. Ils ont du mal à comprendre que c’est impossible de se lever parfois ou de rester assis plus de 2h. Au travail, c’est délicat de se mettre en arrêt dès qu’on se sent mal. C’est pourtant déjà arrivé surtout l’été à cause des fortes chaleurs qui accentuent l’inflammation. La famille a tendance à penser que parfois, on exagère, ou qu’au contraire qu’on est handicapée. Il n’y a pas de juste-milieu au niveau du jugement des proches. Soit ils comprennent, soit ils ne comprennent pas ou font semblant, mais dès que la crise apparaît, c’est du cinéma pour eux. La fatigue chronique est un mythe pour eux, c’est juste de la flemme. »
Quelles sont les conséquences de l’endométriose à long terme ?
« Je pense qu’à long terme, physiquement le bas de mon ventre finira brûlé avec toutes ses bouillottes, que les pilules ou anti-inflammatoires finiront par détruire mon système immunitaire et il ne répondra plus correctement et que mentalement, si je ne reste pas entouré et soutenu par mes proches, une dépression, car la maladie isole énormément. »
« Les conséquences à long terme, en plus de la fatigue chronique, de l’isolement social et du changement physique ? il y a surtout l’extrême difficulté de mener une vie professionnelle ou étudiante normale. »
« Bien évidemment, l’infertilité ou la difficulté à avoir des enfants, les opérations à répétitions (cicatrise, douleurs) et la douleur ne disparaissent jamais vraiment, il y a toujours une « base » de douleurs qui évolue tout au long de la journée, chaque semaine, chaque mois ! »
« À long terme, il faut envisager une opération afin d’arrêter la propagation du tissu, car même la pilule en continu ne stoppe pas tout. D’ailleurs, concevoir un enfant peut être impossible pour certaines, tout dépend de l’emplacement de ces tissus. »
« À long terme, l’endométriose m’empêchera de faire des activités basiques comme le sport, aller au travail ou tout simplement effectuer des tâches ménagères. Elle peut également rendre stérile et donc m’empêcher d’avoir des enfants, même si d’autres options comme l’adoption existent… »
Comment vivre avec l’endométriose ?
« Je pense qu’il faut faire attention à son corps et à sa santé, adopter une alimentation anti-inflammatoire, réduire sa consommation de viande, de sucres, bien dormir, pratiquer dans la mesure du possible une activité physique même si c’est dur, il faut donner un coup de pouce à son corps, arrêter de le maltraiter, le corps travaille beaucoup lorsqu’on est atteinte d’endométriose (ou d’une autre maladie) alors il faut lui faciliter la tâche pour vivre au mieux. »
« Pour vivre avec l’endométriose, il faut accepter la maladie et pardonner son corps qui nous lâche. Personnellement, je ne parviens pas encore à faire ce travail, car quand je fais une crise, j’ai une vision très fataliste de la vie. Mais je consulte depuis peu un Hypnothérapeute qui m’aide avec la gestion des douleurs, du stress et des angoisses que cela apporte et je dois dire que ça m’apaise. Pour pouvoir vivre avec, il faut se faire aider. »
« On ne vit pas vraiment avec l’endométriose, on la subit, on survit comme on peut ! Il n’existe aucun traitement pour l’endométriose. Il y a juste des médicaments ou des solutions qui permettent de « soulager » temporairement la douleur. Donc j’alterne personnellement avec des anti-inflammatoires (type Antadys), de l’électrostimulation (appareil Livia) ou encore des traitements naturels comme l’huile de CBD. Sans compter la contraception, le plus souvent, on est mise sous contraceptions hormonales (pilule, DIU hormonal…) pour couper les règles, sans tenir compte des effets secondaires et de l’impact sur la santé que cela induit ! »
« Je suis obligée de prendre une contraception qui arrête mon cycle menstruel, mais les douleurs persistent. On peut prendre des traitements, se faire poser un implant… Les douleurs persistent toujours, il n’y a pas de solution miracle. »
« Le seul moyen de vivre convenablement avec l’endométriose est de prendre une pilule en continu pour éviter les règles et donc une propagation. Cependant, ça crée souvent des états dépressifs à cause des hormones, des variations de poids… Et il faut toujours prévoir d’avoir des antidouleurs très très puissants sur soi, car les crises ne préviennent pas. »
Victime d’endométriose, vous sentez-vous écoutée ? Qu’est-ce qui doit changer ?
« Nous ne sommes pas écoutés. Il m’a fallu environ 7 ans pour qu’on pose le diagnostic. J’ai eu des remarques déplacées comme « c’est dans ta tête », « c’est normal d’avoir mal » ou encore « faites un enfant et vous n’aurez plus de douleurs », « c’est le stress » mais plus récemment des phrases du type « ce n’est pas grave l’endométriose, on n’en meurt pas ». Je trouve qu’il n’y a pas assez de respect vis-à-vis de notre détresse et de notre souffrance. Nous avons besoin de plus de respect et de plus d’attention quand on énonce nos symptômes au lieu de nous donner une pilule au hasard pour cacher le problème. Il faudrait plus de médecins formés pour lire les IRM et faire correctement les échographies. »
« Je suis consciente que personne ne vivra jamais ma douleur et ne pourra la comprendre vraiment, d’autant plus que c’est une maladie qui ne touche que les femmes, selon moi, c’est le principal problème et la raison pour laquelle les diagnostiques sont si longs (7 ans en moyenne), il faut que le gouvernement considère VRAIMENT le problème et mette en place des dispositifs qui prennent en compte la douleur des patientes. »
« Ma famille ne m’a pas du tout cru au début quand j’ai commencé à avoir très mal pendant mes règles, on m’a même dit que c’était normal… Mais le corps n’a jamais mal pour rien, c’est qu’il y a un problème quelque part… Il a fallu 3 médecins et 2 gynécologues pour comprendre que ce n’était pas « normal » et enfin mettre un mot sur mes douleurs et prescrire un traitement, en l’occurrence une pilule contraceptive. »
« J’ai énormément de chance d’avoir une famille et un mari très compatissant et compréhensif, ils prennent vraiment soin de moi et sont à mon écoute, sinon, c’est très difficile de vivre avec l’endométriose parce que c’est une maladie qui ne se voit pas, donc beaucoup ne comprennent pas !
Combien de fois on m’a répété que c’était « normal » d’avoir mal pendant ses règles ! Vraiment ? Être allongée par terre, faire des malaises, vomir, etc. C’est normal ? NON ! Avoir mal pendant ses règles ce n’est PAS NORMAL ! Il faut savoir que le diagnostic de l’endométriose n’arrive qu’au bout de 7 ans ! Pour ma part, le diagnostic en a mis 8 ! 8 ans d’errance médicale, à me croire anormalement constituée !
Des médecins, des sages-femmes qui tenaient ce même discours du « c’est normal d’avoir mal », « vous êtes douillette », « je suis sûr que ce n’est pas l’endométriose », « l’endométriose est à la mode ! » Jusqu’à ce que je trouve LE médecin qui me comprenne et qui trouve, en une simple échographies endovaginale, que je suis remplie d’endométriose dans tout mon ventre, avec un kyste de 10 cm à l’ovaire gauche !
J’ai donc subi une opération par cœlioscopie début novembre de cette année et je suis sous une ménopause artificielle depuis (Avec tous les effets secondaires que cela comporte : prise de poids, bouffée de chaleur à répétitions, saute d’humeur, saignements, … Il y a 10% des femmes qui sont atteintes d’endométriose… Et je fais partie des 30% qui en ont le plus… »
« On n’est clairement pas écoutées. Par exemple, pour le vaccin contre le Covid, ça m’a déclenché des saignements et de grosses douleurs, j’ai fini aux urgences à chaque dose, mais c’est minimisé. Les médecins nous écoutent, mais le plus souvent qu’à moitié. Les pilules étaient en grande partie pas remboursées ou les soins ne sont pas forcément pris en charge. Un soutien psychologique me semble quand même important, car on vit dans l’interrogation, dans l’angoisse de ne pas avoir d’enfant ou encore de finir avec une stomie par exemple. Il serait aussi temps de faire de la prévention dès l’adolescence, car mon cas aurait été moins « grave » si on m’avait écouté lorsque j’avais entre 15 et 18 ans. »
Pour en savoir plus sur l’endométriose, consultez le site EndoFrance, première association de lutte contre l’endométriose créée en France en 2001. EndoFrance multiplie les actions de soutien et d’information pour les femmes atteintes d’endométriose. De nombreuses actions sont mises en place : événements locaux, conférences médicales, entre autres.
Interview réalisée par Aboubacar KONTE
Ensemble, donnons la possibilité aux personnes fragilisées de s’exprimer, à travers des actions concrètes et ambitieuses. Nos budgets étant de plus en plus contraints, nous sollicitons votre bienveillance. Vous pouvez dès à présent faire un DON en ligne, Par ce geste, vous contribuez à l’émergence de nouveaux projets bénéfiques pour notre société et la libération de la parole. Chaque participation peut faire la différence.