ENFANT BATTUE, ELLE VOUS RACONTE SON CALVAIRE !

Dans l’Hexagone, plus de 50 000 enfants et adolescents par an sont victimes de maltraitance. En 2018, une étude a démontré qu’en France, un enfant meurt tous les cinq jours, tués par sa propre famille, même constat en Belgique ou en 2018, en Flandre, 8.669 enfants ont été signalés à un « centre de confiance », 14,2 % de ces enfants avaient moins de 3 ans, 15,6 % des filles subissent des violences physiques de la part d’adultes avant l’âge de 15 ans (Report Card UNICEF 14). Victime de violence de ses 7 à 17 ans, de la part de celui qu’elle appelle son géniteur (son père), Marjorie citoyenne belge, âgée aujourd’hui de 37 ans a décidé de nous raconter son histoire, celle d’une petite fille à l’enfance désenchantée, marqué par les traumatismes physiques et moraux.

« Je suis née en 1984. Très volontaire, j’ai parlé très tôt et ma maman disait que j’étais son rayon de soleil. Aujourd’hui, je comprends pourquoi. J’ai grandi avec ma maman et mon géniteur jusqu’à mes 4 ans et demi. Son arrivée n’a rien changé dans ma vie puisqu’aux yeux de mon géniteur, elle n’existait tout simplement pas. Il ne s’en occupait pas, ne voulait pas d’elle.

La première fois que mon géniteur s’en est pris à moi, j’avais 4 ans. J’avais été « méchante » à la maternelle et il m’avait enfermé tout un mercredi après-midi dans la cave sans lumière. Je ne pouvais même pas m’approcher de la porte d’où un peu de lumière me parvenait par-dessous, j’étais obligée d’aller dans la « grande cave » où il faisait froid et noir. C’est lorsque ma maman est rentrée après son travail qu’elle s’est inquiétée de savoir où j’étais et qu’elle m’a délivré. Je ne me rappelle pas quelle bêtise j’avais fait.

Cela s’est régulièrement enchaîné, que ce soit physique ou psychologique. J’étais tout le temps « pas assez belle, pas assez intelligente, bonne à rien, nulle, idiote, … » sans compter les fois où je me prenais une baffe, car mon crayon n’était pas assez bien taillé.

L’un de mes pires souvenirs, c’est un jour où je faisais des mathématiques. Je devais faire 7 + 4 et donner la réponse 11. Seulement, je n’y arrivais pas. C’est alors qu’il s’est levé, a pris l’essuie de cuisine, me la serrer autour du cou, m’a soulevé à 1m80 du sol et m’a tapé la tête dans le mur en me répétant que cela faisait 11 et qu’il fallait que ça rentre.

Le deuxième pire souvenir se déroule plus tard. En effet, j’ai passé une sixième primaire compliquée, car, suite à un viol (pas de mon géniteur, je rassure), je n’ai plus travaillé à l’école. Le jour où mon géniteur s’en est rendu compte (fin juin), il s’est mis dans une colère noire. Il s’est mis à me taper dessus au point que ma sœur est intervenue et m’a sauvé la vie.

Je ne saurais pas vous conter toutes les fois où j’ai subi de la maltraitance physique ou psychologique, car il y en avait trop. Je me souviens tout de même d’une fois, à Noël, où ma maman, ayant un petit peu bu, s’est fait étrangler dans la cuisine par mon géniteur devant la dinde dans le four. J’avais 7 ans.

Un autre soir de Noël alors que je venais de blesser accidentellement à ma sœur, pour se « venger » ou passer sa colère, je ne sais pas, il m’a pris par la nuque et m’a tapé dans le mur jusqu’à ce que j’aie la même tête qu’elle. Il m’a également cassé une guitare dans son étui en me tapant avec et des années plus tard, a osé me demander comment j’avais cassé la guitare…

Ma sœur, elle était pour la plupart du temps victime de maltraitances psychologiques dans le sens où elle n’existait pas aux yeux de mon géniteur, ce qui est très violent. Il venait la chercher à l’école parce que j’y étais et quand j’ai changé d’école, il a arrêté d’aller la chercher. Il ne lui préparait pas à manger et ne corrigeait pas ses devoirs.

En primaire, mon géniteur était le roi de l’école. Il était président du comité des parents et s’entendait à merveille avec tous les professeurs. Il rentrait dans l’école comme on rentrait dans un moulin. Pour ma part, j’étais souvent punie (je parlais un peu de trop.) et les professeurs s’étonnaient souvent de ne plus me trouver. Je me cachais tout simplement dans les vestes de peur que mon géniteur n’arrive. Cela a commencé à discuter entre professeurs, mais mon géniteur était tellement charismatique et manipulateur que personne n’a jamais osé rien faire. Ce n’est qu’en secondaire qu’un professeur est intervenu pour faire en sorte d’alléger le climat familial. J’avais 16 ans, elle a fait comprendre à mon géniteur que j’étais grande, que je pouvais prendre mes décisions et gérer leurs conséquences. Cela a permis que je ne sois plus surveillée en permanence.

Personnellement, j’ai commencé à me défendre vers mes 16-17 ans lorsque mon premier petit ami m’a dit que ma situation n’était pas normale. La maltraitance physique s’est arrêtée, mais pas la maltraitance psychologique. Pendant des années, mon géniteur m’a répété que je serai institutrice et alors que mes secondaires se finissaient, je me suis inscrite dans une école pour devenir institutrice. Après 2 années d’études, j’ai abandonné ces études qui n’étaient pas pour moi pour me diriger vers un baccalauréat en secrétariat de direction. J’ai peiné à réussir ces études, subissant un stress tel aux examens que j’en pleurais aux résultats, qu’ils soient bons ou mauvais.

J’ai mis des années à me sortir de la manipulation que j’ai subie, avec différents thérapeutes. J’ai été hospitalisée deux fois en psychiatrie pour me débarrasser de mes crises d’angoisse, de ma dépression latente et de mon insécurité.

Vous vous demandez sûrement pourquoi ma maman n’a jamais bougé, ne m’a jamais défendu, étant donné qu’elle était, elle même maltraitait et sous emprise, elle n’arrivait pas à bouger, nous étions toute sous son emprise psychologique au point où aujourd’hui cela a encore des conséquences sur la relation que j’ai avec ma sœur avec qui on ne se parle plus, notre seul contact fut au décès de ma maman.

Aujourd’hui, je vais bien, je n’ai pas d’enfant, pas par choix, mais parce que j’ai une maladie génétique qui rend tout beaucoup plus difficile. Cependant, je suis souvent en contact avec des enfants et cela se passe bien, je fais également des études de psychologie.

Je voudrais vous dire que rien n’est jamais perdu, qu’il est toujours possible de s’en sortir. Ne pas se rendre compte que la situation n’est pas normale n’est pas grave, c’est l’accepter quand on sait que ce n’est pas normal qui pose problème. Il existe plein d’aides pour aider les femmes, hommes et enfants dans ces situations-là, il ne faut pas hésiter à en parler. Les pervers narcissiques font croire qu’ils ont dû pouvoir, mais ils n’en n’ont pas, il ne faut pas avoir peur de parler. »  

Interview réalisée Aboubacar KONTE

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