Maladie génétique très répandue, la drépanocytose concerne environ 300 000 naissances par an dans le monde. Apparue sur le continent africain et en Inde principalement, elle est devenue très présente en Amérique, notamment aux Antilles et au Brésil, ainsi qu’en Europe de l’Ouest du fait des mouvements de populations. Quelle est cette maladie peu connue ? Quels sont les symptômes ? Comment vit-on avec ? Ils sont trois personnes (deux femmes et un homme) à avoir accepté de me répondre dans une interview croisée. »
Qu’est-ce que la drépanocytose ?
« J’ai l’habitude de dire que c’est une maladie génétique qui modifie la forme des globules rouges et cette modification entraîne l’obstruction des vaisseaux sanguins. Cela est dû à un manque d’oxygène dans les globules rouges et une faible quantité d’hémoglobine. »
« La drépanocytose cause une malformation des globules rouges qui, au lieu d’être ronds, sont en forme de croissants, donc ils se bloquent dans les vaisseaux sanguins et cela empêche le sang de bien circuler (et d’apporter l’oxygène) dans les organes. »
« La drépanocytose est une maladie génétique qui affecte les globules rouges dès la naissance. Au lieu d’avoir les globules rouges en forme de rond, on les a en forme de lune. Ce qui fait que lors du transport d’oxygène, ils peuvent se bloquer en raison de leur forme, passant difficilement dans les vaisseaux sanguins. Lorsque cela se produit, on a une CVO (crise vaso-occlusive) très douloureuse. On peut aussi rencontrer des complications, qu’elles soient cérébrales, cardiaques, rénales ou encore osseuses. »
Quels sont les symptômes de la drépanocytose ?
« Les principaux symptômes sont la fatigue due à l’anémie causée par la drépanocytose. Ensuite, il y a les crises douloureuses (crises vaso-occlusives) dans les membres, causées par les globules rouges mal formés qui ne remplissent plus leur rôle de transport d’oxygène. »
« La drépanocytose provoque une fatigue aiguë et des crises vaso-occlusives, donc des douleurs dans les membres du corps. C’est comme si on te frappait à coups de marteau à un endroit. Ces crises paralysent parfois. On peut avoir des crises partout. »
« On ressent de fortes douleurs surtout au niveau des articulations, ce qui peut entraîner des maladies comme l’ostéonécrose, dont je suis atteint au niveau de la tête fémorale gauche. L’ostéonécrose est la mort d’un segment de l’os causée par un déficit d’apport sanguin. Elle peut être causée par une lésion ou survenir spontanément. Les symptômes habituels sont des douleurs, une amplitude de mouvements limitée pour l’articulation concernée et, lorsque le membre inférieur est touché, une claudication. »
Quel est le quotidien des personnes qui souffrent de la drépanocytose ?
« Au quotidien, vivre avec la drépanocytose est compliqué. C’est une maladie génétique et un handicap invisible. On souffre physiquement et parfois physiologiquement, mais cela ne se voit pas. Le jugement d’autrui est malheureusement très fréquent, et peut être difficile à gérer. Personnellement, j’en ai beaucoup souffert plus jeune, ayant eu un retard de puberté, c’était la porte ouverte aux piques et moqueries. Il y a aussi le traitement médicamenteux quotidien, et ce, depuis tout petit. Des comprimés et du sirop, matin, midi et/ou soir, et dans mon cas, des échanges transfusionnels toutes les 4 semaines. Je dois me rendre à l’hôpital pour me faire transfuser. »
« Au quotidien, on s’adapte, mais parfois les crises surviennent à tout moment et peuvent durer entre 5 secondes et plusieurs semaines. Donc, tu peux être en train de faire tes courses tranquillement et tout à coup avoir mal à la jambe et ne plus pouvoir marcher. Concernant les traitements, cela dépend de la forme de la drépanocytose, et je l’ai découvert récemment, lorsque j’ai changé de spécialiste. Si tu es homozygote, on traite la drépanocytose par un médicament appelé Syklos. En revanche, si tu es hétérozygote, comme moi, on opte pour des saignées car le sang est beaucoup trop épais et c’est cela qui provoque les crises. L’objectif est de fluidifier le sang. Malheureusement, on ne parle pas assez de la drépanocytose, et quand j’en parle, on me demande souvent ce que c’est. Je trouve qu’il faudrait éduquer davantage sur ce sujet, car c’est une maladie très complexe et qui mérite d’être traitée comme toutes les autres maladies. »
« J’ai rendez-vous tous les 6 mois pour un bilan complet, et plusieurs fois dans l’année je fais des transfusions sanguines pour changer le mauvais sang dans mon corps. Je trouve qu’en France, la drépanocytose est plutôt bien suivie. »
Quelles sont les conséquences de la drépanocytose à long terme ?
« D’après ce que m’a expliqué mon médecin, pour une femme, la drépanocytose peut entraîner des complications lors de la grossesse et de l’accouchement. Malheureusement, il n’y a pas de guérison, sauf en cas d’opération des cellules-souches. »
« À long terme, des problèmes de vision peuvent survenir, surtout lorsqu’il est question de se marier. Il est crucial de faire des tests avec son partenaire afin de ne pas transmettre la maladie à sa descendance, car elle est héréditaire. »
« À long terme, cela dépend du patient. Certains drépanocytaires peuvent développer des complications liées à la maladie. Pour ma part, j’ai une sténose carotidienne (traitée par la pose de 3 stents, d’où mes échanges transfusionnels pour éviter les AVC), une rétinopathie (traitée par des lasers), une acidose tubulaire rénale, des pancréatites, une dérivation biliodigestive (suite au retrait de ma vésicule biliaire), etc. D’autres drépanocytaires peuvent avoir des prothèses de hanches ou d’épaules suite à une ostéonécrose, voire des ulcères. Cette maladie de la douleur porte bien son nom car, outre la souffrance des crises, elle peut entraîner de nombreuses autres complications. C’est pourquoi respecter son traitement et ses rendez-vous médicaux est primordial. »
Victime de drépanocytose, vous sentez-vous écoutée ? Qu’est-ce qui doit changer ?
« Alors, je ne me considère pas comme une victime. J’ai réussi à faire de cette maladie une force. En revanche, je ne me sens pas du tout écouté. Je sensibilise sur la drépanocytose depuis 2011, mais il y a malheureusement peu de progrès en termes de communication et de prévention. Certains clichés persistent, et bien que ce soit la première maladie génétique en France, elle reste très peu connue et représentée… Elle mérite davantage de visibilité ! »
« Ce qui est dommage, c’est que la plupart des gens ne comprennent pas cette maladie, et dans certains hôpitaux, on pense que tu mens pour obtenir des antalgiques, car bien souvent, un Doliprane ne suffit pas à soulager la douleur. »
« Je me sens plutôt bien écouté, mais il est nécessaire de renforcer la prévention sur cette maladie, car beaucoup de gens en sont atteints sans le savoir, ce qui peut être dangereux pour leurs descendants. »
Les dernières données disponibles indiquent que 466 enfants atteints de drépanocytose sont nés en France en 2015, établissant ainsi une prévalence d’un enfant touché pour 1 736 naissances. Cela en fait la maladie génétique la plus répandue en France. Néanmoins, cette prévalence est bien plus élevée dans les départements d’outre-mer (1/499) ainsi qu’en région parisienne (1/765), où se concentrent les populations à risque. (Inserm)
Fondé en 2010, l’association DREPA31 à pour but de soutenir les personnes atteintes de la drépanocytose, ainsi que leurs familles, de favoriser la recherche scientifique, de contribuer à la diffusion des informations concernant le dépistage, le suivi et les méthodes de traitement de ces maladies, de servir de trait d’union entre les personnes malades, les hôpitaux et les institutions administratives.
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Interview réalisée par Aboubacar KONTE
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