L’Union des Émirats Arabes Unis, partie III


Fédération de la péninsule arabique principalement situé le long du golfe Arabo-Persique. l’Union des Émirats Arabes unis, est un État fédéral composé de 7 émirats, Cheikh Mohamed ben Rachid Al Maktoum l’Émir de Dubaï, nous raconte l’histoire de sa création dans son livre intitulé « Mon histoire ». dans cette troisième et dernière partie.

Chapitre 26 : Course contre la montre … et les conseillers.

« Entre 1968 et 1971, nous étions engagés dans une véritable course contre la montre; une course pour finaliser un des accords arabes les plus importants, un accord toujours en vigueur et dont le résultat avait été l’unification des Émirats arabes en un État Souverain. Cet État est l’unique État arabe né d’une union volontaire entre les Arabes plutôt que d’une scission entre eux. 


Il s’agit aussi du seul État fondé non pas par la force mais sur la base d’un rassemblement consensuel de régions. Cet État est la preuve que les arabes peuvent agir de concert pour un avenir commun de leurs peuples. C’est enfin l’État qui sut convertir en esprit de corps les loyautés tribales qui existent encore dans le monde arabe et qui peuvent prendre les formes diverses de division ethniques, sectaires ou religieuses.

Ce trait de caractère ancestral a des racines profondes en nous, comme l’expriment ces quelques vers : 

« Si ma tribu faillit, je faillis, et si elle est bien guidée, je réussis »

L’instinct protectionniste des tribus en rapproche les membres, tout en les opposant aux autres tribus. 

Ce couplet exprime bien cette dualité: 

« Seule l’eau pure et claire nous désaltère, tandis qu’ils boivent aux marécages bourbeux »

Malheureusement, l’Union qui résulta d’un accord mutuellement bénéfique basé sur des rapports de confiance et de coopération entre les émirats ne fut pas suffisamment soulignée dans le monde arabe et reste, jusque-là, une exception dans l’histoire arabe contemporaine.

Trois années avant l’Union, notre état d’esprit oscillait entre un enthousiasme débordant pour ce nouveau rêve et la déception que causaient les réactions de certains qu’on croyait être des amis. Par moments, il nous arrivait de craindre de ne pas réussir à concrétiser l’accord dans les délais prévus et de rater ainsi une occasion historique qui ne se représenterait peut être jamais. 


Cheikh Zayed et Cheikh Rashid étaient les deux seuls piliers sur lesquels tout reposait.Ils représentaient le fondement solide qui soutenait notre foi en l’Union lorsque les défis et les déceptions se multipliaient. 

Ces années-là connurent une activité politique intense et je fus aux côtés de mon père Cheikh Rashid qui me délégua plusieurs missions et qui nous conféra, à mon frère Maktoum et à moi, l’autorité nécessaire pour le représenter dans les pourparlers. 

Nous parlions en son nom et cela nous garantissait le respect de nos interlocuteurs. Cela était également une leçon sur l’importance de déléguer à un tiers de confiance les pouvoirs requis afin de le responsabiliser et de lui donner tous les moyens de compléter sa tâche convenablement. 

Mon père tenait absolument à fonder une Union composée des sept émirats, en plus du Qatar et du Bahrein avant 1971. Le 25 février 1968, les souverains se réunirent à Jumeirah. Il en résulta l’accord de Dubai pour la fondation de l’Union des neuf et ils constituèrent le Conseil suprême de l’Union. 

Des négociations plus détaillées commencèrent. En juillet de la même année, Abu Dhabi accueillit la première réunion du Conseil suprême de l’Union qui aboutit à la création du Conseil provisoire de l’Union.

Mon frère, le prince héritier Cheikh Maktoum était supposé représenter Dubaï dans ce Conseil. Il y avait d’innombrables questions en suspens, dont la répartition des pouvoirs, les budgets et autres. 

En dépit de toutes les pressions que nous subissions à ce moment-là, nous continuâmes de nous réunir, durant deux ans, pour poursuivre les négociations qui étaient souvent longues et âpres. Nous choisîmes de persévérer malgré les rumeurs concernant le mécontentement de nos peuples et les articles de presse qui s’attaquaient à nous en tant que gouvernements, nous accusant de ne pas déployer assez d’efforts pour l’Union. 

Nous poursuivîmes nos efforts calmement en dépit des commentaires désobligeants et même parfois des menaces d’intervention militaire. Heureusement, beaucoup voyaient tout le potentiel que représentait cet État naissant soutenu par ses richesses pétrolières. D’autres, par contre, n’y voyaient qu’un pays à assujettir pour servir leurs propres intérêts. 

Quant à nous, nous ne voyions que l’impératif de continuer notre œuvre, pas à pas et avec détermination. Mon père continua de rencontrer tous les Cheikhs du Golfe et je prenais part à toutes ces réunions. Ils ne souhaitaient que du succès aux Émirats. 

Cela représentait pour nous une motivation de plus pour aller de l’avant afin de démontrer à notre peuple que nous étions, avec l’aide d’Allah, sur la voie de l’édification d’un nouvel État fort.Nous travaillâmes, mon père, mes frères et moi avec acharnement, nous relayant les uns les autres afin de ne pas perdre un seul instant car il s’agissait de parvenir à de grands résultats en très peu de temps. 

En mai 1969, eut lieu la troisième réunion du Conseil suprême de l’Union au Qatar dans le but de former la fédération. Les membres du conseil devaient harmoniser leurs positions concernant l’entité parlementaire à créer et sa structure, ainsi que sur la question de la représentation égale de tous les émirats au Conseil de l’Union.

Il fallait parvenir à des solutions qui satisfaisaient tout le monde. Beaucoup de compromis de la part de tous permirent de constituer cette Union. 

À Dubaï, nous convînmes du principe de la représentation proportionnelle et cela marqua un des moments-clés de la formation de l’Union. Les conseillers représentant chacun des émirs commencèrent à mettre ces accords dans leur cadre formel détaillé et définitif, et de les documenter de façon précise.

Expérience à Dubaï aux Émirats arabes unis, par Yusuf
Dubaï, première ville des Émirats arabes unis

Ainsi commencèrent leurs interminables réunions, amendements et discussions qui ralentirent les démarches à tel point que le rêve semblait s’éloigner un peu plus chaque jour. 

J’observais tout cela avec amertume et mécontentement. J’étais persuadé que ces conseillers ne voulaient pas que les négociations se terminent ou que cette Union voie le jour parce que cela mettrait un terme à leur mission bien rentable. Mais souvent nous ne pouvons que faire preuve de patience et de sagacité pour dépasser de tels obstacles. Je confiai à mon père que je craignais que les conseillers anéantissent l’idée de l’Union. 

Ils échangeaient des informations, propageaient des rumeurs, et cherchaient à approfondir les dissensions au lieu de les résoudre, cela me révoltait, mais j’avais la profonde conviction que nous étions parvenus à un point ou l’Union n’était plus une option, mais bel et bien notre destinée et une certitude.

Nous étions dans une véritable course contre la montre car le retrait de la Grande-Bretagne était imminent. Il y eut de multiples discussions avec Whitehall pour confirmer leur retrait et pour prouver notre capacité à nous protéger nous-mêmes.

Il y avait aussi une course avec les autres émirats pour parvenir à un accord sur un certain nombre de points encore en suspens qui entravaient la fondation de l’État.Et enfin, il y avait aussi la course contre les conseillers pour finaliser le cadre juridique de tous ces accords. 

Ce furent des années cruciales pour l’édification de l’État, et pour la réalisation de notre rêve d’un avenir pour le peuple des Émirats Arabes Unis. » Etat qui aboutira à la création d’une fédération, qui prit le nom d’Émirats arabes unis, née officiellement le 2 décembre 1971. Début 1972.

Par Aboubacar KONTE

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