Président de l’association ISNEWS AIDE, et de ce média créé en janvier 2021, je vous raconte aujourd’hui une histoire un peu particulière, la mienne, l’histoire d’un jeune homme de 18 ans, qui a vu sa vie bouleversée après le diagnostic d’un cancer, sa découverte, mon parcours, mon état d’esprit et surtout l’homme que cette histoire m’a fait devenir. Je vous raconte tout dans ce portrait. Ce portrait dans lequel je me mets à nu pour que nous soyons encore plus proches que nous le sommes déjà.
Tout a commencé le 15 juillet, il est 19h, l’équipe de France de Didier Deschamps vient de remporter sa deuxième étoile, les rues sont pleines de fumées bleues, blanches et rouges. Les Français hurlent de joie, d’autres pleurent, d’autres sont encore sous le choc, moi j’étais dans les bras d’autres supporters criant gloire à l’équipe de France. À ce moment précis, je ne savais pas ce qui m’attendait. La seule chose dont j’étais au courant, c’est que la France venait de remporter sa deuxième coupe du monde.
Le soir même, comme quelqu’un à qui on avait coupé la jambe, je ne sentais plus la mienne, j’ai mis ça sur l’excès de fête « ça ira mieux demain ». Pourtant, ce soir-là, je n’étais même pas en mesure de rentrer à pied chez moi. Il a fallu que je paye un Uber à 65 euros, pour un trajet habituellement coûtant aux alentours des 15 euros.
Le lendemain, ça n’allait toujours pas, ma mère a donc pris la décision de m’emmener chez mon médecin traitant, pour qui aujourd’hui je voue une admiration sans relâche. Après un examen bref mais précis, elle me conseilla d’aller faire un scanner ! Je me rendis donc le lendemain, à l’hôpital diaconesse dans le 12ème arrondissement. Cet hôpital, si vide et triste en plein mois de juillet, aux couleurs ne rassurant même pas un rat.
Après un bref examen, l’infirmière chargée de m’infiltrer le produit de contraste me pose d’innombrables questions sur ma situation, mon parcours scolaire et ma vision de l’avenir, je commençais à comprendre que quelque chose n’allait pas. À la fin du scanner, le médecin me demanda de qui j’étais accompagné, je lui ai répondu « seul, pourquoi ? » Elle ajouta, « auriez-vous la possibilité de contacter votre maman, je vais en pause déjeuner là, mais revenez avec elle, je vous prendrais. »
Ma mère fit son apparition une vingtaine de minutes plus tard, comme prévu, le médecin était en pleine pause déjeuner dans son bureau dégustant sa barquette de nourriture.
Elle nous fit entrer et asseoir, puis nous dévoilâmes les images du scanner : « Voici les images, nous avons constaté une anomalie au niveau de la hanche et avons donc décidé d’injecter un produit de contraste, celui-ci s’est figé à certaines parties du corps, ce qui veut dire que le corps abrite des tumeurs ».
Avant d’ajouter à cela : « mais ne vous inquiétez pas, ça se soigne très bien aujourd’hui, nous avons de très bons traitements et médecins. Je vais vous renvoyer vers un ostéopathe pour plus d’informations ».
Deux ans que je souffrais de cette jambe, deux ans qu’hôpital après hôpital, service après service, médecin après médecin, et radio après radio, on me répondait que la douleur était passagère, qu’il s’agissait sûrement d’une simple poussée de croissance. Deux ans de handicap, les profs de sports pensaient que je simulais. Deux ans, je me bourrais de Doliprane pour que la douleur passe. Il a fallu donc attendre que cette jambe soit à la limite de la paralysie, remplie de tumeur qui commençait à ronger mes os pour qu’on puisse enfin poser un début de diagnostic.
Je me rendis à l’hôpital Cochin à la rencontre de l’ostéopathe. Elle programma une biopsie sous scanner pour la semaine d’après, biopsie durant laquelle une partie de la tumeur serait prélevée pour savoir de quoi il s’agit exactement, et à quel stade nous en étions. Les médecins craignaient un cancer des os.
Je peux vous dire que la semaine attendant les résultats de cette biopsie sous scanner, était la semaine la plus longue de ma jeune vie. Moi qui venais de souffler mes 18 bougies le 9 juillet, qui venais d’obtenir mon baccalauréat le 7 du même mois.
Après cette semaine d’attente, les résultats sont tombés. Le médecin m’a indiqué que c’était « moins grave que prévu », il s’agissait en réalité d’un lymphome détecté au stade 4 : une maladie touchant les cellules du sang nommées les lymphocytes.
J’allais tout de même passer par quelques mois de chimiothérapie, mais les chances que je m’en sorte étaient positives. Mon sentiment oscillant entre la joie de m’en sortir et la crainte d’annoncer à ma copine qu’elle serait, dorénavant, la compagne d’un homme chauve à peine 18 ans.
On m’a donc redirigé vers un hématologue, qui m’a expliqué l’urgence de commencer la chimio le plus tôt possible, le stade étant avancé. Il m’a parlé comme on parle à un ado : « la chimio, c’est fatiguant, tu auras des nausées, on te posera un patch, tu perdras du poids et surtout t’es cheveux, mais ça pour un homme ce n’est pas si grave ».
J’ai commencé le traitement quelques jours après mi-août, je m’en souviens, c’était ma première nuit à l’hôpital. Quelques jours après cette première chimio, j’ai commencé à avoir mal au cuir chevelu. Je voyais mes cheveux tomber un à un, j’ai donc décidé
de les enlever directement, il en va de même pour la barbe, même si je l’avoue elle n’était pas si fournie que ça (rire).
Mes ongles, également, commençaient à se noircir. Moi qui craignais tant les personnes sous chimio, j’en étais devenu une… Il a fallu peut-être passer par là pour comprendre qu’ils n’étaient pas contagieux, qu’on était de simples êtres humains se battant pour survivre ou peut-être tout simplement paraître normaux.
Ce même mois d’août, j’ai perdu mon frère dans un accident de la route, mon état de santé faible et mes défenses immunitaires étant impactées, je ne pouvais même pas être du cortège qui raccompagnait le corps dans notre pays d’origine, je lui ai donc dit au revoir ici une dernière fois.
Le mois de septembre fut particulier, je n’avais pas d’école. Je ne vais pas vous mentir que l’idée de devoir me montrer sans cheveux, ni sourcils devant d’autres camarades ne me ravissait pas plus que ça, j’ai donc fait le choix contraint d’une année de césure.
C’est au mois de décembre que les premiers signes de la chimio faisaient effet. Après un TEP SCAN à l’hôpital Marine Lannelongue dans le 92, le professeur en hématologie qui me suivait, le professeur Bouscary, m’a annoncé que j’étais en rémission. Il me manquait encore quelques chimios pour la rémission complète et enfin l’espoir de retrouver une vie, celle d’un ado de 18 ans qui avait été mis en suspens le temps d’un moment : celui du combat, du courage et du dépassement de soi-même.
En mars 2019, on m’a donc annoncé ma rémission complète, je continuerais à être suivi pendant au minimum 5 ans pour prévenir tout risque de rechute, mais j’étais guéri, je l’avais fait, grâce à un entourage hors du commun, une mère formidable qui ne m’a jamais permis de douter sur l’issue de tous ses traitements, une copine plus que géniale qui m’a accepté comme j’étais, sans jamais ronchonner malgré mes sautes d’humeurs, mon crâne lisse et mes ongles noirs. Des amis qui jamais ne posaient trop de questions où se sont permis de me regarder différemment ne serait-ce qu’un jour.
J’étais en rémission et plus mature que jamais, cette période 2018-2019 m’a permis de mûrir, de grandir, elle m’a permis de commencer l’écriture d’un livre, celle d’un court-métrage, la création d’une association, un an plus tard venant en aide aux plus démunis à travers le monde, mais également la création d’un média, ce média, sur lequel vous pouvez lire les histoires de tous ceux qui font la société française.
Elle m’a permis également de me rattacher aux choses simples de la vie, de me rendre compte que ce qui fait notre bonheur n’est pas ce qu’on peut faire, mais ce qu’on veut faire. Elle m’a permis de me dire que rien n’était inaccessible que tout était possible, mais encore fallait-il enfoncer les portes entrouvertes, que les seules limites sont celles que nous nous fixons. Que l’amitié n’a pas de prix, que la famille ne fait qu’un le drame étant soit collectif soit inexistant mais jamais individuel.
Mais par-dessus tout elle m’a permis de découvrir un monde : celui des hôpitaux, celui de ses personnels en blouse blanche se battant chaque jour pour notre survie et notre confort, de la femme de ménage, aux professeurs, en passant par l’interne, l’infirmier ou l’aide-soignante, leur rôle est irremplaçable tant le travail fourni est incroyable. Ils travaillent jours et nuits sans relâche pour que l’on ne manque de rien, ils acceptent de devenir nos amis, nos parents, nos nounous, nos psychologues et tout ce que l’on demande, tant que cela nous permet de nous sentir à notre aise, est de nous faire s’évader du monde des hôpitaux.
Je suis passé de deux semaines euphoriques en enchaînant mon baccalauréat, ma majorité, et la coupe du monde, à deux semaines épouvantables, où ma vie se jouait. Cette vie qui se joue à rien, nous y sommes comme des funambules, maîtrisant ce que l’on peut, mais n’ayant pas la main sur tous les paramètres. Un coup de vent étant si vite arrivé.
Quant à moi, je suis aujourd’hui l’heureux détenteur d’un bac +2, étudiant en école de journalisme dès la rentrée ce septembre et toujours débordant d’ambition. Je l’espère atteindre du bout des doigts l’ensemble de mes rêves avant que ne soit sifflée la fin de partie.
Je finirais par vous dire sans prétention aucune, mais avec une sincérité accrue : aimez-vous, chérissez-vous, respectez-vous, et surtout croyez en vous, sautez haie après haie, esquivez les obstacles, franchissez les barrières, et tout ceci à votre rythme l’essentiel étant de finir la course, en étant satisfait de votre trajet.
Par Aboubacar KONTE.
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