JE ME DÉVOILE !

Jeune, ambitieuse, n’ayant pas froid aux yeux, elle n’a pas peur de faire bouger les lignes quitte à déranger les biens pensant. Victime d’insultes racistes et islamophobes générées notamment par le port de son voile, elle a décidé de ne pas se faire marcher dessus mais de dénoncer en créant une petite série qui se nomme « À travers mon foulard » sur sa page Instagram.

Elle est aujourd’hui créatrice de son propre mouvement « Nous nous dévoilons ».

Activiste, passionnée par le monde diplomatique, mais aussi grande fan de la modest fashion, je suis allé pour ce troisième portrait à la rencontre de Nada Ziani, un nom à retenir pour nos futures générations tant son ambition pleine de sens est débordante.

Par Aboubacar KONTE

« Je me présente, je m’appelle Nada ZIANI, j’ai 21 ans, je suis étudiante en Droit Public Sciences Politiques. Entrepreneuse et militante, je suis musulmane et je porte le foulard depuis presque 7 ans.

Plus jeune, j’étais le genre de personne plutôt timide, qui n’osait pas prendre la parole.
Le fait d’avoir porté le foulard m’a donné la force d’exprimer mon opinion, car dans un pays comme le nôtre, nul ne peut défendre sa voix mieux que par la sienne.

Victime à plusieurs reprises d’islamophobie, à l’école, dans la rue, dans les transports, j’ai décidé d’en parler dans une petite série que j’ai créé sur Instagram « À travers mon foulard » (page Instagram : « itsnadaziani »).

Dans mes récits, je dénonce alors les actes islamophobes tout en essayant d’apporter une analyse aux faits, sans pour autant me montrer comme étant déstabilisée ou fragilisée. Intérieurement dévastée, attristée, voire brisée, l’anxiété et la peur prenaient le dessus. Je sortais et la première chose à laquelle je pensais c’est : « Qui va encore m’insulter, me cracher dessus aujourd’hui pour un vêtement, qui a de la valeur à mes yeux. ». Afin de m’en sortir, j’ai décidé de focaliser toute mon énergie, négative et positive, sur ce qui va réellement changer les choses et normaliser la présence de mon foulard dans nos sociétés actuelles.

« Crée tes opportunités pour toi et ton entourage » est ma devise, et encore plus depuis que je me suis rendue compte que la situation des femmes portant le foulard en France est difficile. J’ai donc décidé de lancer l’association et le mouvement « Nous nous dévoilons ». Et pour défendre la cause, j’ai fait appel à près d’une vingtaine de femmes professionnelles et étudiantes portant le foulard partout en France pour un tournage de campagne témoignant des actions qu’elles mènent pour la société et que ces foulards qu’elles portent sur la tête leurs permettent de dévoiler leurs potentiels.

Activiste, passionnée par le monde diplomatique, mais aussi grande fan de la modest fashion, mon but est de normaliser ce vêtement dans nos sociétés, qu’il ne porte plus l’attention des médias, mais que seul nos actes et nos travaux pour la société importent. C’est le combat que j’ai à mener, et je mènerai la bataille coûte que coûte. Après tout, que vaut réellement une vie si elle n’est pas munie d’un combat et d’un réel sens à son existence ? Si celle-ci n’apporte rien de bien au monde actuel ?

Dans les transports, dans la rue, dans le milieu du travail, sur les réseaux sociaux, mais aussi à l’étranger par des touristes français, la haine frappe contre mon foulard. « Vous ressemblez à la Sharia punk », « Encore une qui croit avoir compris le Coran et qui porte un voile à la c*n », « Ferme ta g*eule et rentre au pays comme le fait si bien ton mari après avoir touché les allocs en France », « Vous ne faîtes pas la bise aux hommes ? Vous ne trouvez pas cela extrémiste ? » « La femme de ménage est là », « Non ma chérie, celle-ci n’a pas une tête de terroriste », « Mais dans votre pays vous n’avez pas d’hôpitaux pour vous soigner ? », « Non mon chien, bouge, ne la regarde pas, sois raciste. », « Je ne comprends pas, vous portez un foulard et vous vous maquillez ».  » Vous êtes jeune, vous savez, vous pouvez toujours l’enlever et le remettre plus tard, profitez de la vie », « Tu parles de foulard alors que tu t’épiles les sourcils. », « Va vivre ailleurs si tu n’es pas contente, rentre au pays, ton voile n’est pas le bienvenu chez nous. » quelques petites remarques quotidiennes dans la vie réelle et sur les réseaux. Je partage donc mes expériences sur Instagram via une petite série « A travers mon foulard », en portant une analyse critique, cherchant à comprendre d’où vient cette haine et ce qui l’alimente.

L’attitude de chacun envers mon hijab est très subjective. Dans mon parcours scolaire, j’ai fréquenté des établissements publics dits laïcs, mais aussi des établissements catholiques. Mon foulard n’étant pas toléré dans l’enseignement secondaire, je n’ai pu le porter que partiellement, en le retirant à l’entrée de mon lycée. De ce fait, mon choix n’était pas à la connaissance de tous. C’est en arrivant dans l’enseignement supérieur qu’il fut réellement visible et qu’il commençait à suggérer des questionnements de la part d’une grande partie de mes camarades avec qui je partageais un emploi du temps universitaire. Le retour, l’avis porté de chacun sur mon foulard peut être bon à entendre, positif ou négatif, tant que le débat reste dans un cadre qui défend la liberté d’exprimer son opinion dans le respect et l’entente de l’autre.

Ma faculté est un réel monde d’opinions, de diverses croyances, l’important, comme partout ailleurs, est de savoir ce vers quoi l’on mène notre discours mais aussi l’importance d’écouter l’autre, d’entendre ce qui est à dire, prendre ce qui est bon à prendre et de travailler dessus.

L’avantage de l’établissement catholique est que l’on retrouve des similitudes au niveau d’une foi qui est portée vers un Seul et Unique Seigneur, notre Bon Dieu. Rencontrer des sœurs et des prêtres dans les couloirs, échanger sur des thématiques et se rendre compte de la similitude de nos croyances et nos histoires spirituelles. L’apaisement d’un cœur que l’on retrouve dans une église en plein milieu du campus, de par la beauté de son architecture. Cependant, les opinions politiques divergent, notamment sur le clivage politique. Mais c’est tout l’intérêt de ma philosophie, quel sens apporterai-je à mon discours si je restais bloquée dans un enseignement qui chercherait à me rendre mécanique dans mes propos et à donner mon point de vue, sans réellement savoir pourquoi, ni comment argumenter dans une situation où j’aurai à faire à une idéologie, un argument qui ne respecte pas ce que je souhaite défendre.

Le changement commence lorsque l’on sort de sa zone de confort, que l’on cherche à comprendre, que l’on s’incruste en plein milieu de ce qui nous pose problème.

À l’heure actuelle, je suis la seule de ma promo à porter le foulard, et nous devons être 3 ou 4 à porter le foulard dans l’ensemble de ma faculté. L’idée d’établissement catholique ne devrait en aucun cas être un blocage. Au contraire, il faut s’ouvrir, lire, apprendre sur les autres, ne pas rester que dans la connaissance de soi, les autres font partis de ce qui nous construit, surtout si l’on souhaite envisager un changement en profondeur qui serait durable sur des générations. L’idée n’étant pas de promouvoir l’amour des autres, ni l’acceptation de leurs idées, mais plutôt la défense du respect de leurs idées. La vie dans le respect, non pas dans l’idée d’une acceptation « forcée » et tolérante.

Les médias, dans n’importe quel domaine, ont ce pouvoir d’alimenter les idées, surtout en ce qui concerne le domaine de la religion. À l’heure actuelle, on ne se doute plus de qui sont les réelles figures derrière chaque média, et la communauté qu’ils tentent de détruire. Leur pouvoir, plus puissant que tous les autres pouvoirs selon moi, change la vision de ceux qui ne cherchent pas plus que ce qu’on leur raconte. On a affaire à un outil qui nous programme et cherche à diriger et nous guider vers ce dont à quoi « il faut penser » et l’idée qu’il faut en dégager. Médias, chaud comme froid, ont la plus grande audience au monde, et donc le plus grand pouvoir de manipulation sur une population « marionnétée ». Les politiques ont leur place dans toute cette sphère islamophobe, mais ne sont entendus que ceux que les médias mettent en avant, selon les idées défendues.

Pour changer cette sphère islamophobe, plusieurs éléments sont essentiels : il faut dans un premier temps ne pas avoir peur d’affronter cette haine, ne pas se soumettre à des idéologies et se percevoir comme victime de cette atmosphère. Bien plus facile à dire qu’à faire, il faut que la haine qui alimente les débats soit source de force de changement d’une mentalité purement encrée dans les quatre coins du pays. Il faut s’incruster dans cette haine, chercher à comprendre, et pour cela, il faut quitter la fainéantise et l’ignorance, accepter que tout le monde n’ait jamais le même avis que le nôtre, reprendre son combat et comprendre les objectifs que l’on souhaite atteindre : on cherche le respect, pas l’acceptation. Je suis née avec un amour pour ma religion et mon Seigneur, de mon éducation mais aussi de mon propre parcours spirituel, et je peux comprendre que certains ne comprennent pas cet amour indescriptible qui m’habite, je demande juste le respect de ma pratique.

Celle-ci se fusionne à ma liberté personnelle et ne doit en aucun cas porter préjudice à autrui, comme l’énonce l’article 4 de la DDHC « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. ».
Il faut chercher à se cultiver, se renseigner, se lancer dans la recherche intellectuelle, lire les histoires des autres, chercher à comprendre. Un débat ne doit être alimenté que par le savoir et la connaissance d’opinions, et pour remporter ce combat, il faut chercher à apprendre qui est celui qui nous contredit. Enfin, il faut chercher à créer sa place dans différents secteurs qui mouvementent notre société, et principalement les domaines suivants : politique, économique, juridique et médiatique, ce sont les réels moteurs de la société. Si vous voulez être entendu, alors il faut s’éduquer, se lancer et foncer.

L’Islam est la profonde idée d’éducation qui m’habite, qui défend la liberté de tout un chacun, qui ordonne à ce que l’on tende la main à celui qui en a besoin et qui défend l’équité, la liberté, la justice et la fraternité envers chaque être vivant avec qui nous cohabitons. La religion, c’est la relation qui nous lie au Seigneur, aux humains, aux animaux et à l’environnement.

Mes chers frères et sœurs, si nous voulons, ensemble, porter un message commun, le message profond qui nous révolte, alors cessons de nous faire la guerre entre nous. Les jugements d’une politique qui transforme la religion en listing de faits licite et illicite sur des futilités ne nous unira et ne rendra en aucun cas notre discours crédible envers celles et ceux qui cherchent à nous descendre. Pour que l’on nous entende, il faut que l’on s’entende, que l’on s’éduque dans ce qui nous concerne et ce qui concerne les autres. Débattre 10 ans sur des sujets futiles, sur lesquelles les quatre écoles de pensées juridiques ne sont même pas d’accord, ne nous mèneront que vers une dé-crédibilisation de nos mots et de nos actes.


Alors unissons notre force et notre énergie dans la soif de connaissance et la volonté de s’exprimer intellectuellement et humainement pour des débats qui en valent le discours.

N’ayez pas peur de vous lancer, de créer vos opportunités. Inutile d’attendre toujours que l’opportunité frappe à votre porte, assumez et lancez vos idées avec vos moyens. Ce monde a besoin de beauté et de couleur, alors soyez créatifs, prenez une palette de couleurs et créez un univers à votre goût en défendant ce qui vous tient à cœur. La créativité, l’art, sont aussi un excellent moyen de passer un message. Si vous ne pouvez vous exprimer avec des mots ou une voix, faites-le à votre façon, imaginez, innovez.

Walt Disney disait lors de l’ouverture de son tout premier parc Disneyland, lorsqu’il fut questionné sur la continuité des rénovations du parc et quand celui-ci sera réellement terminé, : « Tant que l’imagination continuera d’exister dans ce monde, Disneyland ne sera jamais terminé. » L’imagination est un monde sans limite. Faites-en bon usage. »

Interview réalisée par Aboubacar KONTE

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