MA MÈRE AVAIT PEUR !

Pour cette première interview « portrait », je suis allé à la rencontre de Fadoua, une jeune femme actuellement en 3ème année de Licence de Langues et Civilisations Etrangères (LLCER) Hispanique et Latino-Américaine à la Sorbonne, et qui a pour objectif de devenir traductrice ou professeur de langues.

Issue d’une famille musulmane d’origine maghrébine ayant émigrée vers l’Espagne, elle est arrivée en France il y a maintenant 4 ans, après un parcours semé d’embûches, lié notamment à sa religion et/ou à ses origines.

Elle a décidé aujourd’hui de nous partager son vécu en tant que croyante et pratiquante dans les pays étrangers.
Son histoire : celle d’une jeune fille maghrébine et musulmane, non soumise, voilée, et par-dessus tout indépendante.

Par Aboubacar KONTE

« D’origine marocaine et musulmane, j’ai émigré avec ma famille à la recherche d’un avenir plein de rêves colorés, un futur simple, avec comme aspiration de pouvoir faire des études, travailler, manger, bien s’habiller etc…
Car après tout, si mes parents ont changé de pays en laissant tout derrière eux, c’était pour nous, leurs enfants.

Quand j’avais 4 ans, je ne savais même pas comment dire bonjour, les enfants se fâchaient contre moi, me criaient dessus et parfois, ils en arrivaient même à me frapper, et je ne comprenais pas vraiment pourquoi.

Comme n’importe quelle autre fille, petit à petit, en grandissant, j’ai compris ce qui se passait vraiment, car il s’avère que je n’avais ni la même culture, ni la même religion qu’eux. Ma mère, selon eux, portait un « chiffon » sur la tête.
Les premières années, furent un enfer.

Les années passaient et je m’étais déjà adaptée au pays, mais j’étais toujours très attentive aux comportements des autres vis-à-vis de ma maman et je voyais qu’elle était souvent exposée à des situations discriminatoires seulement parce qu’elle portait le voile.
Une fois, on lui a crié à travers la fenêtre d’une voiture « retourne dans ton pays, sale arabe ». Mais, malgré tout, nous avions créé un lien avec nos voisins, avec les professeurs de l’école, avec mes amis, et nous étions toujours très pacifistes, la haine n’existait pas dans notre environnement, ma mère me disait toujours : une bonne personne sera toujours la gagnante.

Le temps s’est écoulé, et du jour au lendemain, je me retrouve en France, une migration de plus, mais cette fois elle était plus douce. En France, l’Islam était plus présent qu’en Espagne.
En effet, j’ai même pu remarquer qu’ici, nous étions une assez grande communauté alors qu’en Espagne, nous étions très minoritaire.
Cela m’a rendu plus forte, je pourrais même dire que ça m’a attiré l’attention pour m’accrocher encore plus à ma religion avec une grande fierté.

Néanmoins, j’ai constaté que les médias avaient créé de grandes polémiques concernant le foulard.
C’était incroyable, je n’y crois toujours pas, un tissu de moins d’un mètre créer autant de polémique dans un si grand pays. Et grâce à la force que ma mère m’a transmise, à toutes ces polémiques et à mon propre désir, j’ai eu le courage de mettre le foulard, et de m’assumer en tant que femme musulmane.
Avec le voile, j’étais ce que je voulais être, une fille qui n’avait pas peur de crier sur les toits qui elle était, car je me sentais libre, et j’avais enfin trouvé ce que je voulais représenter et celle que j’étais.

Bien que mes parents étaient réticents, mon père était content que sa fille grandisse sans aucune crainte, tandis que ma mère s’inquiétait, personne ne m’avait obligé à le porter. Ma mère avait peur que ce qu’elle avait vécu, à cause de ce tissu, m’arrive, elle avait peur que l’on s’attaque à sa fille, elle avait peur qu’on m’insulte, elle avait peur qu’on me pointe du doigt en me sortant des préjugés comme « tes parents t’ont-ils forcé ? » ou « es-tu sous l’autorité de ton mari ? » et effectivement elle ne s’était pas trompée.

J’ai toujours fait face à tous ces préjugés, comme des questions telles que « tes parents t’ont forcée à le porter ? » ou encore « on croyait que tu étais enfermée dans ton monde du coup, on ne voulait pas t’approcher » ou encore « oh ! Désolée, sœur, on ne voulait pas dire des insultes devant toi, on a oublie que tu étais une HLEL ».

Je me suis toujours posée la question, et si finalement je n’étais qu’un morceau de viande certifié Halal (ironiquement). Et aujourd’hui je me permets de vous dire haut et fort que ce n’est pas parce que je porte le voile que je n’ai jamais fait de bêtises ou que je suis une sainte.

Messieurs, mesdames, ce n’est parce que je porte le voile que je suis enfermée dans mon monde, ce n’est pas le cas. Je suis une jeune fille de 22 ans qui dit des gros mots quand elle est énervée, qui est libre de ses actions, car avant tout, je suis comme tous les êtres humains sur cette planète et surtout, je suis ouverte à tous les sujets, y compris les plus embarrassants.Et bien sûr la question que tous, nous nous posons, suis-je sous l’autorité d’un homme ? NON, je suis voilée, je suis une femme musulmane, une femme de culture nord-africaine, qui est libre et indépendante. De plus, j’ai la chance de faire des études dans une université de prestige en étant à 803 kilomètres de mes parents, je travaille pour gagner ma vie toute seule, bien entendu, encore une fois indépendante des ressources de mon père, et je vis seule. Et non, ce n’est pas parce que je vis seule en étant une femme musulmane et pratiquante que je suis en désaccord avec mes parents ou qu’ils ne sont pas fiers de moi, bien au contraire.
Ils sont très contents du chemin que j’ai traversé pour arriver jusqu’ici, ils sont fiers de voir qu’ils ont une fille qui se bat chaque jour, et c’est bien sûr avec leur soutien et leur bénédiction que je continue ma vie.
 »

Interview réalisée par Aboubacar KONTE

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